Ces lettres témoigent de la correspondance entre Nathan Cytryn et sa femme, Salomea (ou Kaska) Kazimierski, entre 1939 et 1942. Le couple s’est marié à Lublin en 1928 et ont échangé plus d’une centaine de lettres dès que Nathan est détenu au camp Oflag VII, un camp de prisonniers de guerre (POW) à Murnau en Allemagne. Cette correspondance se poursuit lorsque Salomea et leur fils Yasho sont déplacés avec leur famille au ghetto de Varsovie. Rédigées en polonais, ces 134 lettres décrivent leur vie quotidienne loin de l’autre et incluent régulièrement des salutations des membres de la famille du couple, dont leur fils et les parents de Salomea, Moszes et Helena.
Les premières lettres
Enrôlé obligatoirement en 1923, Nathan est promu officier dans l’armée polonaise en 1929. Il est ensuite mobilisé au combat contre l’invasion de la Pologne en 1939, menant à son arrestation par les Nazis. De 1939 à 1945, Nathan est fait prisonnier au camp de Murnau. Pendant ce temps, Salomea, ses parents et Yasho sont déportés au ghetto de Varsovie. Pendant trois ans, leurs seuls outils de communication sont ces lettres qui permettent au couple de partager leurs sentiments et de décrire leurs conditions de vie. Salomea partage les difficultés qu’elle et sa famille rencontrent au sein du ghetto. Selon elle, l’épreuve la plus difficile à affronter est la solitude. Pour aider sa femme et son fils à maintenir le moral, Nathan leur envoie son portrait. Cette photographie permet à Salomea et Yasho un certain réconfort en ces temps incertains.
« Tu n’as pas idée de la joie que nous a procurée ta photo. » (22 janvier, 1940, Salomea)
La dernière lettre de Salomea
Le 14 juillet 1942, Nathan reçoit une lettre de Salomea qui lui souhaite un joyeux anniversaire et espère pouvoir célébrer ensemble « les prochains anniversaires dans la joie.» Cette lettre est la dernière qu’il reçoit. Salomea et Yasho sont présumément déportés au centre de mise à mort de Treblinka en août 1942 lors de la Grossaktion (la Grande Action). Menée du 22 juillet au 21 septembre 1942, cette action faisait partie de l’opération Reinhard. Elle avait pour but de liquider le ghetto de Varsovie ainsi que de déporter et tuer ses habitants. Nathan demeure prisonnier jusqu’à la Libération en 1945. Il est ensuite transféré au camp de personnes déplacées d’Engelstadt. Apprenant la mort de sa femme et son fils après la guerre, Nathan décide de rejoindre en 1947 des membres de sa famille qui s’étaient établis avant la guerre, au Canada. Il entame une seconde vie à Montréal et rencontre Sarah Schacter. Ces derniers se marient en 1948. Jusqu’à ses derniers jours, Nathan garde précieusement sa correspondance avec Salomea afin de commémorer ses proches et de garder en souvenir des traces de son ancienne vie. Ces lettres offrent un témoignage important et intime des conditions et des répercussions de l’Holocauste sur une famille juive en Pologne.
Jerry Cytryn, neveu de Nathan Cytryn, a fait don de ces lettres au Musée de l’Holocauste Montréal en 2016.
Lors de la commémoration du 85e anniversaire de la Nuit de Cristal, le 9 novembre 2023, nous avons partagé l’histoire de la famille Cytryn à travers les lettres que Salomea a écrites à son mari Nathan pendant l’Holocauste. Les lettres ont été rendues vivantes par des représentations émouvantes d’artistes exceptionnels du théâtre yiddish DoraWasserman.
Ces lettres ont été traduites par l’Institut polonais des sciences et des arts au Canada, avec l’aide de la Conférence sur les revendications matérielles juives contre l’Allemagne, soutenue par la Fondation « Souvenir, responsabilité et avenir » et par le ministère fédéral allemand des finances.
Autres objets de la famille Cytryn à découvrir
La valise de Nathan Cytryn (cliquez ici) |