Israël accusé de génocide devant la Cour internationale de justice

L’Afrique du Sud a accusé Israël de génocide devant la Cour internationale de justice de l’ONU. Le génocide est un acte d’une extrême gravité. Il est régi par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par les Nations unies en 1948, dans la foulée de l’Holocauste et à l’instigation d’Israël, notamment.

En vertu des textes onusiens, rappelons que, pour qu’il y ait génocide, il faut démontrer que les auteurs des actes en question ont eu l’intention de détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Le mot « intention » est fondamental. Il s’agit d’une définition juridique. C’est sur cette seule base, et non sur des considérations politiques, que les juges devront statuer.

L’histoire récente de l’humanité est jonchée de génocides : Darfour, les Tutsis au Rwanda, les musulmans en Bosnie, les Cambodgiens sous Pol Pot, le génocide arménien, etc. Et bien entendu l’Holocauste, qui a fait plus de 6 000 000 de morts. Aujourd’hui encore, la Chine se rend coupable de génocide envers les Ouighours et le Myanmar extermine les Rohingyas.

Depuis le pogrom commis par le Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, et le déclenchement de la guerre à Gaza qu’il a provoquée, sur nos campus, sur plusieurs scènes politiques ou dans de nombreux forums, Israël est accusé de génocide. Cette accusation révoltante n’est pas nouvelle.

En effet, dès 2001, à l’occasion d’une conférence de l’ONU sur les droits de l’homme à Durban, le Forum des ONG déclarait déjà Israël coupable de génocide. La plupart des grandes démocraties occidentales s’étaient d’ailleurs progressivement dissociées de cette accusation. À une manifestation de ce Forum, on pouvait lire sur des pancartes « Hitler aurait dû finir le travail ». Le plus célèbre des textes anti-juifs, « Les Protocoles des Sages de Sion », était en vente dans l’espace d’exposition. L’Union des avocats arabes distribuait des caricatures antisémites rappelant l’époque nazie. Ce sont ces organisations qui accusaient Israël de génocide. L’amalgame antisémitisme-antisionisme était évident.

L’Afrique du Sud qui accueillait cette conférence en 2001, c’est cette même Afrique du Sud qui, en 2015, recevait à bras ouverts Omar El Bashir, l’ancien président soudanais coupable du génocide au Darfour, et refusait de le renvoyer devant la Cour pénale internationale qui le réclamait pour crimes de guerre. Il est rentré chez lui et a tranquillement poursuivi ses basses œuvres jusqu’en 2019. Et c’est cette même Afrique du Sud encore qui, aujourd’hui, accuse Israël devant la Cour internationale de justice avec l’appui de certains États qui ont en commun de ne jamais voter en faveur d’Israël à l’ONU, quel que soit le sujet débattu.

La guerre actuelle résulte directement d’un pogrom lancé contre des civils israéliens. Il s’agit de façon évidente d’un acte génocidaire. Le Hamas affiche clairement ses intentions à cet égard dans sa charte même. Or la poursuite intentée contre Israël a été lancée devant la Cour internationale de justice, qui a autorité pour statuer sur les agissements des États, mais pas sur ceux d’organisations non étatiques. Ce qui exonère donc le Hamas. L’ironie est frappante. L’agresseur est indemne, mais l’agressé est poursuivi.

Toutefois, au-delà des motivations politiques, ce qui importe en droit, ce n’est pas l’allégation, mais la preuve. Hors de tout doute raisonnable. Où est cette preuve contre Israël?

Revenons au concept fondamental de l’intention. Le Hamas attaque Israël en assassinant des centaines de civils et en prenant des otages. Ce dernier se défend conformément au droit international qui, d’autre part, exige la protection maximale des civils.

Or le Hamas se sert de la population civile palestinienne comme de boucliers et loge ses installations de combat dans des hôpitaux, des écoles, des mosquées et même des bureaux de l’ONU. Le tout est très largement documenté. Le Hamas sait très bien que, de ce fait, ces infrastructures deviennent des cibles militaires légitimes, conformément au droit de la guerre. Que les civils palestiniens en paieront le prix fort. Mais il compte sur le capital de sympathie que cela lui donnera. Il sait qu’Israël n’aura d’autre choix que d’attaquer, ce qui lui vaudra les dénonciations que nous connaissons, y compris ces résolutions onusiennes et cette poursuite devant la Cour internationale de justice visant à paralyser son action.

On ne peut pas à la fois reconnaître à Israël le droit de se défendre et l’empêcher de l’exercer.

Cette guerre fait de trop nombreuses victimes. Le drame humain est considérable. La destruction et la dévastation prouvent que la guerre est impitoyable. Mais cela prouve-t-il qu’Israël ait l’intention d’éliminer les Palestiniens? Aurait-on accusé les Alliés de génocide allemand quand ils ont bombardé Dresde pour mettre fin au nazisme? Aurait-on accusé les Canadiens de génocide irakien quand ils ont contribué au bombardement de Mossoul pour éliminer l’État islamique?

Il y a quelques semaines à peine, le chef du Hamas, Yahya Sinwar, qualifiait ces lourdes pertes de vies humaines de « sacrifice nécessaire ». Or génocide et sacrifice sont incompatibles. On subit le premier. On décide du deuxième. On ne peut pas « s’auto-génocider ». S’il y a sacrifice, il ne peut donc pas y avoir de génocide.

Le 9 janvier dernier, l’ancienne juge à la Cour suprême du Canada, Rosalie Abella, écrivait que « l’accusation de génocide à l’endroit d’Israël constitue un abus de l’ordre juridique international établi après la Seconde Guerre mondiale. » Je souscris absolument à cette déclaration.

Quoi qu’il en soit, la Cour internationale de justice devra juger en s’appuyant sur des preuves irréfutables, à l’écart de toute ingérence politique. Si elle veut rester crédible aux yeux de l’opinion publique, elle devra s’assurer qu’il n’y ait aucune ambigüité à cet égard, ni dans les faits, ni dans les perceptions.

Né de la volonté de survivants de la Shoah, le musée de l’Holocauste de Montréal a pour mission de travailler à la prévention des génocides. Il a donc l’obligation morale de s’élever contre toute tentative d’exploitation politique ou de banalisation de ce terme. Il a l’obligation de dénoncer tous les prétextes, tous les auteurs et toutes les manifestations de génocide. Il le doit à toutes les victimes d’hier et d’aujourd’hui.

Hon. Jacques Saada
Président
Musée de l’Holocauste Montréal